25 - LA NEF DES OUBLIES

Pays Toraja

Région de Rantépao

Sulawesi – Indonésie

 

Ni Hortengul, ni Le Bateleur ne réagirent à la première secousse sismique : tous les deux crurent que le frisson qui leur montait dans les jambes était un effet secondaire du transfert. En revanche l’extraterrestre, lui, réagit de façon brutale : il arracha ses mains filamenteuses des patients, frétilla sur ses membres tétanisés.

— Qu’est-ce qu’il lui prend ? s’étonna Hortengul. Il se dérègle ?

Bien plus fort que le premier, le second frémissement de la terre ébranla les fauteuils solidement arrimés au sol. Durant de longues secondes, avec le bruit sourd caractéristique des séismes, le bâtiment frémit. Des éclats de plâtre, de ciment s’éparpillèrent sur les dalles qui semblaient vouloir se disjoindre. Malika, qui avait hélas récemment vécu un terrible tremblement de terre, poussa un cri sauvage. L’extraterrestre ouvrait et refermait avec des claquements secs la fente verticale de sa bouche dans laquelle vibraient une multitude d’appareils suceurs, hérissés. Pinocchio serrait ses tempes avec force pour échapper à tout prix aux crissements sinistres qui accompagnaient les mouvements rapides et répétés. Sur les portes, les voyants lumineux clignotaient de façon incohérente…

Enfin, d’un coup, tout s’arrêta. Hortengul décréta :

— La récréation est finie, on reprend la séance.

— Est-ce bien prudent, Maître ? chuinta Pinocchio, dont les genoux s’entrechoquaient encore, malgré l’immobilité revenue.

— On poursuit ! glapit le Président-Gouverneur. Un tremblement de terre de rien du tout ne contrariera pas mes projets, par les tripes sèches de Bambang !

Pinocchio porta les mains à son cœur puis, s’étant ressaisi, il secoua la chaîne qui pendait le long du monstre. Rien n’y fit : l’extraterrestre gémissait, visiblement plus inquiet que les hommes. Ses yeux tournaient bizarrement au bout du filament ténu qui les reliait au crâne bosselé. De son côté, Le Bateleur exerçait des pressions sur ses bracelets de fer, mais ceux-ci avaient été prévus pour résister à de bien plus fortes tractions. Malika se tortillait, luttant inutilement elle aussi, tandis que Lyanto, comme toujours, gardait son calme.

— Alors, Pinocchio ? s’impatienta Hortengul. Tu n’arrives plus à te faire obéir, crécelle ?

— Délivrez-nous, au lieu de jacasser !

— Entendez la mijaurée, ricana Hortengul. J’adore les femmes dans deux situations distinctes : quand elles trépignent de rage et quand elles agonisent.

— Maître, chuchota Pinocchio, voilà que ça recommence…

Dans le silence tendu qui suivit, chacun put percevoir un froissement ténu, comme un mouvement d’étoffe, puis un crissement léger qui se transforma peu à peu en roulement sinistre de milliers de tambours.

— Un raz de marée, annonça Malika.

Hortengul se dressa, la tête inclinée sur le côté.

— La mer est fort loin d’ici et nous sommes fort haut.

Il perdit l’équilibre car le dallage, une nouvelle fois, entra en vie. Étendu à terre, il chercha à s’agripper au siège, mais celui-ci fuyait. Des craquements puissants déchirèrent l’air. On entendit des hurlements poussés par des gens, dans les étages.

— Va voir ce qui se passe, Pino, ordonna Hortengul, à genoux.

Mal assuré sur ses jambes, le valet zigzagua vers un passage où la porte cognait, poussée par une main invisible, acharnée. Malika se tassa sur elle-même, dents serrées, muette. Lyanto ne remuait pas un cil. Le Bateleur secouait en vain ses liens d’acier, ne réussissant qu’à se blesser. Soudain une gerbe de terre et de pierrailles jaillit au centre de la pièce, éjectant les dalles qui roulèrent sur elles-mêmes dans un vacarme saisissant que les voûtes amplifièrent. Hortengul mit sa tête entre ses mains, fixa le geyser de boue et de cailloux, médusé.

— C’est la fin du monde, soliloqua-t-il.

Comme pour lui donner raison, une partie du mur s’éventra, laissant crouler des gravats retenus par des treillis de fils électriques qui dispersèrent de vibrionnantes étincelles.

— Et cet emplâtre qui ne revient pas, s’affola Hortengul.

Il se redressa, secoué comme un arbre dans le vent, cria :

— Pinocchio !

— Tout va s’écrouler, prévint Le Bateleur.

— Vous voilà faits comme des rats, glapît Hortengul, le visage affreusement déformé par la peur autant que par le rire forcé qu’il souhaitait émettre.

Dans les prisons, des cris fusaient ; jusqu’ici peu nombreux, ils devenaient multitude. La construction entière frissonnait, secouée jusqu’au plus profond de ses fondations. Le drame se jouait partout, bien au-delà du Palais, bien au-delà de la falaise. C’était une succession de tressautements mortels, inexorables, définitifs. Le plafond se lézarda, laissant apparaître des structures métalliques qui, bientôt, se tordirent, se fracturèrent, et des fragments tombèrent en pluie. Malgré une vilaine plaie au front, Lyanto ne manifesta pas la moindre angoisse, toujours impassible. De l’eau déferla le long des marches, gicla dans la salle, éclaboussa violemment Hortengul qui fut éjecté aux pieds du Bateleur. Comme apporté par le flot déchaîné, Pinocchio survint en trombe, méconnaissable dans ses vêtements crottés. Il s’effondra auprès du Président-Gouverneur, le visage ravagé.

— Des morts, dit-il, il y a des morts partout, là-haut. Presque toute la maison s’est effondrée.

— Que racontes-tu, immonde plaie ? réagit Hortengul. Le Palais en pièces détachées ?

— Seule reste encore debout, si je puis me permettre, une partie de votre aile, Seigneur, quelques bureaux et la chambre. Mais pour combien de temps encore ?

— La chambre ?

Hortengul venait d’être frappé d’une pensée capitale : cela se voyait à la fixité de son regard ; Pinocchio redouta le pire.

— Vous n’allez tout de même pas courir le risque de vous y rendre ? demanda-t-il.

Mais Hortengul n’entendait plus : il s’était redressé et, tel un zombie, tressautant au rythme incohérent des poussées brutales, cognant ici ou là, il s’échappa du sous-sol. Pinocchio le suivit des yeux puis, consterné, se tourna machinalement vers Malika.

— Qu’attendez-vous pour nous libérer puisque vous le souhaitez au fond de vous ? questionna-t-elle, le menton suppliant. Que vous importe puisque nous allons tous mourir.

Pinocchio se tortilla, tira un boîtier de l’une de ses poches, un minuscule cube de commandes, fit disparaître les anneaux métalliques qui maintenaient les prisonniers.

Le Bateleur bondit sur ses pieds, prêt à affronter le diable en personne.

— Attends ici, dit-il à Malika.

Avant qu’elle n’ait réagi, il escaladait les marches noyées, s’évanouissait dans la lumière. Malika songea à s’envoler sur ses traces, mais il réapparut très vite, bondissant, magnifique.

— C’est un cataclysme d’une envergure colossale, expliqua-t-il. Dans la vallée de Rantépao pousse un volcan.

Il désigna l’extraterrestre à Pinocchio, s’enquit :

— Qu’avez-vous fait de son astronef ? Où est-il ?

Pinocchio se ferma :

— Tant que le Maître ne sera pas de retour, nous ne bougerons pas d’ici.

L’eau déferlait toujours par l’escalier, boueuse, hérissée. Une série de déflagrations sérieuses ébranla derechef la construction endommagée.

— Il faut s’enfuir, insista Malika. Dans un instant, il sera trop tard. L’astronef n’est pas loin d’ici, n’est-ce pas ? Dans une grotte…

Pinocchio s’entêta.

— Nous attendons le Maître, rétorqua-t-il, farouche.

Hortengul dégringola les marches dans le bouillonnement furieux. Il tenait à bout de bras la valise blindée pour laquelle il venait de risquer sa vie. En découvrant les prisonniers libérés, il marqua un temps d’arrêt mais se résigna.

— À la Nef des Oubliés, commanda-t-il, vite !

Il n’avait pas l’air de perdre le contrôle de lui-même, au contraire, il paraissait déterminé, sûr de lui. Pinocchio s’empressa de débloquer une porte restée close jusque-là, et tous s’engouffrèrent dans le passage éclairé par quelques lampes de Nux. Bien leur en prit car le plafond tout entier cédait dans la salle de transfert ; quelques secondes d’hésitation supplémentaires et ils auraient été ensevelis.

Pinocchio, en tête, se hâtait. Tout en progressant, il ouvrait les grilles des cellules ; des ombres affolées jaillissaient dans le boyau, hurlant, s’empêtrant les unes dans les autres, filant au hasard, dans n’importe quelle direction dès qu’elles découvraient l’extraterrestre que tirait Lyanto. Dans cette cohue, la cacophonie et les tremblements continus, seuls Hortengul et Pinocchio poursuivaient un but précis ; les autres ne songeaient qu’à échapper à eux-mêmes, à leur panique. Ils ne souhaitaient qu’une chose : gagner la lumière du jour. Pinocchio libéra l’extraterrestre femelle qui se joignit immédiatement à son compagnon en poussant d’impressionnants gémissements. Les voyageurs de l’espace semblaient plus que les Terriens voués à l’effroi. Le Président-Gouverneur déplaça d’une seule pression de la main un bloc de rocher qui dissimulait l’accès à un boyau de forte pente. Il s’introduisit le premier dans cet étroit passage, la tête baissée. Derrière lui s’engagea Malika puis Le Bateleur, suivirent Pinocchio, Lyanto et le couple venu d’une autre planète. Ceux-ci, frottant contre les parois trop rapprochées allaient avoir beaucoup de peine à avancer mais, pris par le rythme de cette infernale échappée, ils n’hésitaient pas à malmener leur carapace. On les entendait ahaner, tandis que leurs plaques chitineuses raclaient la surface inégale du rocher.

Une chaleur intense rendait la progression difficile : les fuyards avaient l’impression de descendre le long d’un canal qui alimentait une marmite en ébullition. Des vapeurs soufrées les enveloppaient, attaquant leurs yeux et leurs gorges. Ils accélérèrent le pas, puis les éléments se déchaînèrent : secoués par des forces inimaginables, le boyau se tordit, se fissura. Une lézarde de la largeur d’une main courut au-dessus des têtes, des rochers se détachèrent de la voûte fendue. Pendant l’effondrement, Malika se jeta dans les bras du Bateleur. Ils se serrèrent, éperdus, moment d’intense peur, pensant mourir, mais les blocs, par miracle les évitèrent. Le spasme colossal diminua, et la pluie de pierrailles cessa. Alors, Le Bateleur se rendit compte avec horreur qu’une partie de ses compagnons gisaient sous d’énormes masses : Lyanto et les extraterrestres avaient été écrasés, broyés. Pinocchio remuait doucement sous un roc isolé, auprès du Président-Gouverneur.

— Aidez-moi, vous autres !

Hortengul tentait de soulever la pierre, mais il lui fallut le concours du Bateleur et de Malika pour y arriver. Dégagé, Pinocchio fut incapable du moindre mouvement.

— Mes jambes… se plaignit-il, je ne les commande plus.

Hortengul tendit la valise au Bateleur, souleva son compagnon blessé, l’emporta. Le passage débouchait dans le fond d’une grotte contenant l’astronef, un engin formé de plusieurs boules inégales accolées, et montées sur des tiges incurvées. Ces supports maintenaient l’ensemble disgracieux au-dessus du sol.

Derrière l’appareil, dans la vallée, c’était l’apocalypse : le volcan en activité brasillait dans un ciel tourmenté, rempli d’éclairs, de vapeurs rousses et de fumées noires.

Hortengul avait déposé Pinocchio à terre. Agenouillé auprès de lui, il caressait le visage ruisselant de l’infortuné.

« Voilà, se dit Le Bateleur, c’est la scène finale et elle ne manque pas de grandeur. »

Malika se tassa contre lui, enserra sa taille.

— C’est étrange, lui dit-elle, nous sommes arrivés jusqu’au spationef et nous ne sommes pas en mesure de nous en servir… Qu’importe, je préfère mourir, ici, libre sous le ciel que prisonnière au fond de ce trou.

Hortengul annonça quelque chose à Pinocchio que le couple ne comprit pas, puis il se dirigea vers l’engin interplanétaire, actionna une trappe qui n’était pas visible.

— Transportez Pinocchio à l’intérieur, ordonna-t-il à Malika et au Bateleur.

Il pénétra dans « La Nef des Oubliés », laissa le couple s’occuper du blessé. Pinocchio souffrait horriblement, jambes inertes. Pendant le délicat passage dans la partie inférieure de l’appareil, Le Bateleur se demanda où avait disparu Hortengul. Aussi, dès que Pinocchio fut allongé sur l’une des quatre couches oblongues qui occupaient le local, il grimpa le long d’une paroi verticale en utilisant des crochets qui faisaient office d’échelle, déboucha dans un poste de pilotage où, devant une multitude d’écrans lumineux en fonctionnement, Hortengul s’activait. L’homme s’était couvert d’un casque, et il manipulait à toute vitesse des leviers, de petites plaques phosphorescentes qui s’enfonçaient dans des alvéoles.

— Vous avez appris à piloter cet engin ? interrogea Le Bateleur, ahuri.

— Oui, avoua Hortengul, sur Mondava VII, ma planète d’origine.

L’agent du S.R.E. avait l’impression d’avoir reçu une décharge électrique. Pantois, il reconsidérait dans un étrange désordre de pensées, tout ce qu’il avait appris sur Hortengul, ne saisissant ni les horreurs de son comportement ni ses mobiles.

— Mais les extraterrestres qui…

— De simples robots, expliqua Hortengul, laconique. Mais ne me perturbez pas maintenant, voulez-vous, les secondes sont comptées.

Par la baie qui s’étendait devant le poste de pilotage, on voyait le volcan vomir de formidables giclées de lave incandescente. Le Bateleur se rua auprès de Malika.

— Hortengul est un être venu de l’espace, débita-t-il sans pouvoir contenir son émotion. Les deux monstres n’étaient que des machines, des automates…

Tandis que Malika ouvrait à son tour de grands yeux ahuris, un sourire douloureux s’inscrivit sur la face livide de Pinocchio.

— Il m’a bien roulé, le bougre, murmura-t-il.

La trappe inférieure s’était refermée ; le navire frémissait, mais le ronronnement des moteurs était couvert par les effets du tremblement de terre. Une secousse très forte renversa la pyramide de sphères, mais le dispositif antigravité entra en action et l’engin se stabilisa malgré l’agression. Impatient, Le Bateleur confia Pinocchio à Malika et remonta auprès d’Hortengul. Par l’ouverture transparente, il vit le volcan qui chavirait, puis les nuées épaisses qui se rapprochaient. Pendant les secondes qui suivirent, la visibilité fut nulle, puis le ciel généreux, d’un bleu insoutenable, apparut dans toute sa splendeur devant le fantastique véhicule.

Hortengul retira son casque, le déposa auprès de lui, se tourna vers l’agent français.

— Voilà, lui dit-il avec lassitude, la comédie est terminée.

Allons trouver les autres… Ne me regardez pas avec cet air stupide. Et puis rassurez-vous je ne vous emmène pas vers Aldébaran : Nous allons nous poser au Maroc.

Auprès de Pinocchio, Hortengul parut transfiguré : il balaya le corps du blessé d’un rayon lumineux qui dessinait par images de synthèses, les lésions sur un écran ; ainsi chacun put voir que la colonne vertébrale était rompue.

— Irréparable ? interrogea Pinocchio, sans s’alarmer outre mesure.

Hortengul ne répondit pas. Le Bateleur détourna la tête.

— On a bien rigolé, tous les deux, pas vrai ? reprit Pinocchio, d’une voix blanche.

— On a bien rigolé, répéta Hortengul.

— Comment avez-vous pu cacher votre jeu avec cette maestria, Seigneur ?

— Ne m’appelle plus ainsi, veux-tu ?

— Racontez-moi.

Hortengul prit dans les siennes les mains de son trouble compère, expliqua :

— Envoyés par les autorités de notre planète tournant dans les parages d’Alderman, la très brillante étoile de la constellation du Taureau, nous sommes venus sur votre monde, Kson, alias Bambang Tiga, et moi, Pan-Sül, chargés d’une mission simple et précise : apporter un peu de notre technicité, de notre savoir et de notre pacifisme aux Terriens dont l’agressivité représentait pour nous une énigme.

— Eh bien, ricana Pinocchio, vous ne vous êtes apparemment pas soumis à la règle, hein, Maître ?

— Il n’y a plus de Maître, Pinocchio, soupira Hortengul.

Il s’essuya le front et continua :

— Piqué de curiosité, j’ai inversé chez l’un des robots chargé du transfert de notre savoir le sens de la marche.

— Je vois, opina Pinocchio, vous vous êtes fait piéger parce que les hommes qui vous ont intéressé étaient les puissants.

— J’ai goûté au vertige du pouvoir en m’appropriant l’âme d’hommes politiques ; j’ai découvert la ruse, l’arnaque, la soif de possession. Au fur et à mesure que je me modifiais, c’était l’engrenage, je ne pouvais plus reculer.

— Vous deveniez inexorablement Hortengul Alam Delapan, le futur maître du monde.

— Un mutant doublé d’une crapule de haut vol. Oui, j’avais rompu avec mes origines, avec le passé. Monstrueux, au sens littéral du terme, c’est-à-dire différent des autres, être fantastique et fantasque n’appartenant plus à un groupe déterminé, n’appartenant à personne d’autre qu’à lui-même, je plongeais dans la vertigineuse folie, j’allais de l’avant, toujours plus loin…

— Et Bambang ?

— Il continuait à jouer le jeu, malgré mes réticences. Il offrit le séparateur de particules au Roi du Maroc.

Un léger hululement emplit la cabine ; Hortengul s’éloigna vers le poste de pilotage.

— Un instant, s’excusa-t-il ; la manœuvre d’atterrissage demande ma présence.

Le navire volant se posa en douceur. Par la trappe ouverte, Le Bateleur découvrit le sable d’une plage ; un air marin, vivifiant, entrait à flots par l’ouverture. Hortengul réapparut.

— Vous voilà chez vous, mademoiselle, dit-il à l’adresse de Malika, dans les parages de Oualidia. Adieu.

Malika interrogea Le Bateleur du regard. L’agent du S.R.E. hocha la tête, s’avança vers la sortie.

— Une seconde ! cria Hortengul.

Il récupéra la valise blindée qu’il avait posée dans un coin, la donna au Bateleur.

— Vous vous partagerez les quelques gadgets qui sont dedans, dit-il. Vous trouverez vous-mêmes à quoi ils servent. Dans ce bric-à-brac vous récupérerez le dissociateur de molécules appartenant au Roi.

Le Bateleur saisit la mallette et tendit la main à Malika ; la Marocaine ne se fit pas prier pour sauter à terre. L’océan Atlantique roulait ses grandes vagues presque sous le ventre de l’astronef. La trappe se referma tandis que le couple s’éloignait vers les dunes désertes.

— Et Pinocchio ? interrogea la jeune fille soucieuse.

— Il va gagner l’enfer lui aussi, dit le Bateleur. Ces deux-là sont devenus inséparables.

Sans bruit, le spationef s’éleva ; il monta verticalement, comme un ballon léger, puis il glissa sur le côté, prit de l’altitude gagna le large. Il s’immobilisa à quelques centaines de mètres au-dessus des flots où il explosa. La brutale déflagration coucha Le Bateleur et Malika dans le sable. De la boule de feu dégringolèrent une infinité de débris minuscules dans l’océan. Le vent dispersa des fumées effilochées et, en deux ou trois minutes, toutes traces avaient disparu.

Le Bateleur s’assit à côté de Malika face à la mer. Il n’y avait qu’elle et lui ; le soleil paisible qui descendait sur l’onde, là-bas, confondu avec l’horizon rouge et, dans le sable, à ses pieds, un coffret contenant des objets d’une valeur inestimable, conçus par une autre civilisation, sur une autre planète, à des années-lumière de là.

FIN